Spoiler:

Lorsqu'Ayleen se réveilla, elle avait l'impression d'avoir dormi seulement cinq minutes. Son tour de garde ne s'était pas spécialement bien passé, elle avait eu froid, bien trop froid. Aucune des deux filles n'avait semblé être réveillée en même temps qu'elle, aussi avait-elle profité de son temps libre pour regarder tout ce qu'il y avait dans son sac. Elle avait été surprise et contente de constater qu'elle avait de quoi manger même si pour l'instant, elle était bien incapable d'avaler quoi que ce soit. Elle ne savait pas trop si c'était normal, mais c'était peut-être lié à cet éloignement brusque de chez elle. Même dans le train, elle avait eu du mal à avaler quoi que ce soit. C'était plutôt pas mal, ça l'aidait à économiser les ressources qu'elle possédait, mais elle avait bien conscience que ça finirait par l'affaiblir sur le long terme. Ayleen devait se forcer à manger, elle le savait, mais cet endroit n'était pas très accueillant et elle préférait attendre d'être loin d'ici avant de se poser pour de bon.

La petite fille regarda autour d'elle et se déplaça doucement pour poser sa main sur l'épaule de Swan. Son geste était timide, elle ne voulait pas la brusquer ou lui faire peur. On était tout de même dans une arène, elle pouvait craindre de se faire attaquer c'était bien normal. Elle ne savait pas si ses deux nouvelles amies dormaient encore, c'était difficile à dire, elle savait simplement qu'elle avait l'impression d'être la seule debout, et que le soleil qui pointait son bout de son nez était le signe qu'il fallait désormais reprendre la route. Ayleen avait beau se sentir épuisée, la peur de se sentir rattraper par les autres la poussait à aller de l'avant et vite. Elle n'aurait aucune chance à cet endroit, il n'y avait pas d'eau et elle se sentait affreusement mal à l'aise.

« Swan, Ace. » Murmura la petite fille. « Le soleil se lève, il faudrait y aller. »

Elles n'avaient déjà pas eu le choix du lieu pour s'arrêter, il fallait faire vite. Il était difficile de savoir dans quelle direction étaient partis les autres tributs et si jamais ils venaient à leur tomber dessus, elles étaient vraiment dans le pétrin. Pendant le reste de la journée, la petite fille avait eu le temps d'observer ses deux nouvelles amies, et ce qu'elle avait constaté ne lui faisait pas spécialement plaisir. Elle aimait beaucoup les deux filles qui l'avaient pris sous leurs ailes, mais justement, elle avait pu se rendre compte qu'elles ne l'aideraient pas franchement à se protéger si elle en avait besoin. Elles avaient l'air presque aussi perdues qu'elle et Ayleen ne pouvait pas leur en vouloir pour ça, elle comprenait totalement. Aussi était-elle bien décidée à reprendre de l'assurance maintenant, elle voulait montrer qu'elle était capable de faire quelque chose et qu'à elles trois, elles pourraient aller loin.

« Je ne sais pas si vous avez faim, mais je ne pense pas que ce soit le meilleur endroit pour manger. J'ai qu'une envie, c'est partir. Vous êtes d'accord ? »

Elle n'aimait décidément pas ce marécage, elle le détestait, même. Maintenant, il lui fallait croiser les doigts pour que ses amies comprennent.

La nuit avait été atroce... Et c'était un doux euphémisme. Mon épiderme me démangeait cruellement et d'énormes plaques ornaient encore ma peau laiteuse. Durant ma garde, une nuée de moustiques s'était abattue sur moi comme pour m'informer que je n'étais pas la bienvenue en ces lieux. Le pire dans tout ça, c'était que j'avais été la seule à me faire attaquer par ces sales vampires suceurs de sang. Fort heureusement, mes piqûres avaient daigné dégonfler, malgré les plaques qui demeuraient intactes. Et du plus profond de mon être, je détestais, non haïssais, le Capitole d'heure en heure. J'avais l'impression que le mauvais sort me poursuivait. Mais si je croyais en la chance je basais également ma foi sur l'échange équitable. Une chance équivalait à un malheur. Et vice-versa. La roue allait tourner. Du moins, j'essayais de m'en convaincre.

Bref. Encore allongée et dans mes pensées, je sentis soudainement une main me sortir de ma méditation matinale. Le soleil se levait. Un bon point pour Ayleen. Il fallait partir pour éviter de se faire rattraper trop facilement. Je me levais difficilement mais sans rechigner. Me plaindre n'était pas dans mes habitudes quotidiennes. D'ailleurs, me plaindre avec mes sœurs, c'était juste du suicide. Du coup, au fil des années, j'avais appris à mettre la main à la pâte. Et puis, après tout, comme le dirait mes aînées : "le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt !". En même temps, chez les Engharad, c'était plus l'autocratie que la démocratie, alors quand la plus âgée ordonnait, on obéissait. Point à la ligne.

J'écoutais mes deux compères d'une oreille distraite. Ayleen sortit un discours du genre "cet endroit craint" (en gros) et Swan acquiesça par derrière, sans réelle surprise. En même temps, la blonde était tout, sauf adaptée à un tel environnement. Et le manque d'eau devait probablement perturber la plus jeune. Je bâillais élégamment. J'arborais déjà cet air impassiblement calme et serein dont j'avais le secret. Mon sourire était lui aussi de la partie. Mais bon, je n'avais sûrement pas fière allure avec ces plaques rouges qui parsemaient tout mon corps. Encore heureux qu'on soit muni de la combinaison intégrale... Ou sinon, ça aurait été un véritable carnage. Surtout que ce rouge contrastait carrément avec la blancheur de ma peau. Oui, je faisais très attention à mon apparence ; mais non, les "trucs de mecs" salissants ou autre ne me gênaient pas plus que ça. Et puis, pour une fois que Ayleen & Swan soumettaient une suggestion, je n'allais pas m'en plaindre.

« Allons-y dans ce cas. Mais je vous suggère quand même de ne pas trop vous faire d'illusions. Vous pensez qu'ici, ce n'est pas le meilleur endroit ? Mais si ça se trouve, plus loin, c'est encore pire. Dites vous qu'au bout du chemin, ce n'est pas une plage au sable fin joyeusement accompagnée de transats, de palmiers et de petits cocktails qui nous attendent ; mais la suite d'un jeu tordu aux paysages et créateurs tout aussi tordus. Qui sait ce que cette arène nous réserve encore. »

Sur ces bonnes paroles, j'avalais trois gorgées d'eau avant de ranger le reste dans mon sac. Ça ferait l'affaire jusqu'au prochain stop et ça me permettrait également de tenir la longue marche qui s'annonçait aujourd'hui. Sans plus attendre, je commençais donc à progresser à travers les lianes et les marres de boues. La journée risquait d'être... Intense.

Les premiers mots de Swan lui firent vraiment plaisir. Alors comme ça, elle avait eu raison de se mettre un peu en avant et de donner son avis. Parfois, ses efforts payer et toute l'assurance qu'elle avait pu rassemblé n'avait pas servi à rien. Seulement, les paroles d'Ace vinrent briser brusquement ses rêves alors qu'elle reprenait espoir. Comment ça ce qu'elles allaient trouver plus loin risquait d'être pire ? Qu'est-ce qu'elle en savait ? Ayleen se souvenait encore de la vaste étendue d'eau et de ses petits îlots, là au moins, elle s'était sentie en sécurité et elle voulait ressentir une fois de plus le côté rassurant du paysage qui les entourait. Malheureusement, sa nouvelle amie semblait s'imaginer le contraire et la petite fille avait tendance à croire qu'elle avait raison. Pourquoi ? C'était tout simple. Déjà, elle semblait plus âge, mais aussi plus sûre d'elle et Ayleen préférait se fier à son expérience qu'à son intuition, c'était certainement plus approprié dans des circonstances pareilles. En, plus, elle ne connaissait pas la vie des autres filles, elle savait simplement que la sienne avait toujours été belle et qu'elle n'avait aucune connaissance des dangers potentiels qui pouvaient se trouver dans le monde extérieur. Elle connaissait sa maison, son district, les fonds marins, et c'était à peu près tout. Le reste n'était que découverte et là, elle n'avait pas trop le temps de découvrir et de s'émerveiller sur quoi que ce soit, sa vie était en jeu.

La petite fille rassembla ses affaires en silence, priant pour que ce qui les attende à la sortie du marécage soit moins compliqué à supporter que cet horrible paysage. Et puis, elle ne savait pas vraiment quoi dire en réalité. Elle n'avait jamais parlé avec les deux filles, pour leur dire quoi ? Qu'elle avait une petite sœur qu'elle adorait, qu'elle aimait beaucoup la cuisine de sa maman et qu'elle était impatiente de rentrer chez elle pour leur raconter comment c'était ici. Non, elle ne pouvait pas dire ça, ce n'était pas une promenade de santé, elles n'étaient pas parties faire du camping. Au moins deux d'entre elles ne rentreraient pas chez elle à la fin de cette aventure et en savoir le moins possible sur ses deux compagnes de voyage lui évitait une trop grande implication émotionnelle. Quoi que... Ayleen s'était déjà beaucoup trop attachée aux deux filles. Elle aimait beaucoup Ace, son tempérament de feu et la façon qu'elle avait de tout diriger avec une autorité plus que rassurante. Et Swan... Elle représentait la douceur à ses yeux, elle avait l'air tellement fragile. C'était le genre de personne à auquel Ayleen aurait aimé sauter au coup de temps à autre, simplement par amitié. Les voir mourir allait être très dur et très perturbant pour la petite fille, à moins qu'elle ne soit la première à y passer, bien entendu.

Sans s'en rendre compte, la petite fille avait commencé à marcher, suivant Ace tout en faisant bien attention de ne pas tomber dans le marécage. Elle était petite et agile, l'opération ne lui paraissait pas trop compliquée. De temps à autres, elle s'amusait à regarder vers le ciel pour voir si elle pouvait apercevoir le soleil, mais tout semblait toujours aussi sombre et elle désespérait de voir la fin de cet enfer. Pourtant, il ne leur était encore rien arrivé de grave, mais elle n'aimait vraiment pas cet endroit, vraiment, vraiment, vraiment pas.

« Dites, vous croyez qu'il a une fin... ? Le marécage. »

Bah oui, si elles marchaient jusqu'à ce qu'elles sortent d'ici alors qu'elles ne pouvaient pas sortir, elles allaient à voir l'air bêtes, très bêtes même. La petite fille continuait de regarder de tous les côtés alors qu'elle marchait, lorsque soudain elle la vit. Une petite ouverture semblait être ouverte sur l'autre rive, elle s'arrêta net, pointant du doigt l'endroit en question sans un mot. Elle ne savait pas ce que c'était et attendait évidemment le verdict des deux plus grandes avant de faire quoi que ce soit.