Moisson. Premier jour de gloire pour moi. Je m’étais levée aux aurores pour me présenter au meilleur de ma forme. Pendant 6h, j’avais soulevé des poids, fait des pompes, des échauffements, des étirements, des lancers de couteaux, couru, coupé un peu n’importe quoi avec mon katana préféré. Je n’étais pas la seule dans le centre d’entraînement, ce matin-là. J’avais même l’impression qu’on était plus nombreux que d’habitude. Tous les mannequins étaient occupés. Les entraîneurs, eux, avaient du fil à retordre avec le nombre de carrières qui essayaient de se tuer pour avoir la chance de se porter volontaire aujourd’hui. Le peu de filles qui se trouvaient dans la salle me fit sourire. Je n’avais pas vraiment de concurrente directe. Cette année, l’âge d’entrée était passé à 17 ans. Heureusement que je n’avais pas encore mes 18 ans. Sinon, j’aurais vraiment ragé… C’est donc cette année au lieu de l’année prochaine que je me porterais volontaire. Ça ne changeait pas grand-chose, au final. J’allais gagner, et rentrer victorieuse, naturellement.

Ce n’est qu’à 12h30, après avoir bien sué – même très bien – que je suis rentrée chez moi, suivie par une grande partie des gens, épuisés tout comme moi. Mais malgré ma fatigue, je relevais la tête et bombais le torse, fièrement. Ne pas laisser trahir ses faiblesses. Mais arrivée chez moi, j’ai sauté dans la douche. L’eau brûlante coula vite sur ma peau. Je pris mon temps pour me laver les cheveux, les brosser, les coiffer, les mettre en place. Maintenant, le physique primait. Je devais pouvoir me rendre attirante dès maintenant pour plaire aux sponsors toute droit sortie de la Moisson. Un maquillage fin et discret qui me mettait bien en valeur orna vite mon visage. J’ai ramené mes cheveux en un joli chignon avec quelques tresses placé assez haut. Une robe assez courte dans les tons dorés m’attendait sur mon lit. Elle était serrée à la poitrine et la jupe était large et bouffait un peu. Puis j’ai filé manger un bon gros steak avec du riz et une petite pomme verte (acidulée et croquante comme je les aimes) en dessert.

Il était presque l’heure. Mon frère avait enfilé son plus beau costume, pour frimer devant ses amis, d’après ses dires. Il apprend vite, ce petit. A 13 ans, il était déjà fier de porter les couleurs de sa famille et de se battre à mort. Il suivait les entraînements avec les gens de son âge, à son rythme. Sa musculature commençait à se développer. Lui avait suivi ma piste. Je ne pouvais pas en dire autant de ma sœur… Elle faisait pâle figure dans sa robe pourtant d’un argenté lumineux. Mais ce chapitre douloureux ne pouvait nullement gâcher mon jour de gloire. Passons alors la petite dernière.

La place maintenant. Le plus important. Garder la tête haute, bomber la poitrine. Sourire, de ton sourire le plus éblouissant. Impressionner, resplendir, briller. Et gagner. Surtout gagner. Fendre la foule, rapidement, et se placer sur le premier rang. Lancer un regard menaçant aux jeunes filles moches qui m’entourent. Comme je suis méchante… Quand soudain, sur la scène attire mon regard une espèce de truc archi-coloré. Beurk, c’est ce… TRUC qui nous sert d’hôtesse ? Ça commence bien à ce que je vois. Si j’avais su la suite… J’ai un léger mouvement de recul, vite repris avant de tomber sur la fillette de derrière.

« Bonjour et bienvenue à la cinquième édition des Hunger Games. Je suis tellement contente de m’occuper des tributs du 2. Mais avant toutes choses regardons un merveilleux film qui nous vient directement du Capitole. »

On va éviter de parler de sa voix, hein ? Encore un autre sujet qui fâche. Tiens, ils ont toujours pas investi dans un autre film pour l’introduction des Hunger Games ? Bien dommage, au bout de cinq ans, on commence à se lasser… Oui, depuis le temps, on a compris que Panem était la plus grande puissance, et que surtout, rien de peut la détruire. Moi, ce que je retenais, c’est qu’elle allait bientôt me rendre riche et célèbre. Et ça, c’était bien. Ça aussi, ça allais valoir un film. Puis le truc violent pour les rétines (on nous a pas entraîné à ÇA !) repris le micro quand le film se finit :

« Mais quel merveilleux film. Bon passons maintenant à la sélection des deux courageux tributs qui irons représentés le 2 dans l’arène. Nous commencerons avec les filles, y’a-t-il des volontaires? »

Youhou, c’était mon tour ! Je fis un pas en avant, en me raclant la gorge. Je lève la main en criant haut et fort un « Oui ! » puissant. Puis j’ai pris l’escalier, devant le silence – que je devinais respectueux – de la place. De près, la dinde était encore plus horrible et puante. Son parfum écorchait les narines autant que son accoutrement les rétines. « Quel est ton nom ma jolie ? » Son « ma jolie » m’écorche les oreilles. Mais je dois quand même répondre – non sans fierté et non sans un joli petit sourire qui me caractérise tant — « Sheeba Bagheera. ».

À partir de là, je ne fais plus gaffe à grand chose. Le garçon, apparemment Eddie Lightwood, est aussi volontaire. J’aime bien, il a pas trop peur. De moi surtout. Mais je suis sur cette estrade, et ça me convient. Dites bye bye à votre vie, les autres. Un sourire mi-triomphal mi-carnassier s’affiche maintenant sur mes lèvres. Et j’aime ça. Le train et la suite, maintenant, please.