Encore à traîner sur le toit. Mais aujourd’hui, le ciel était bleu et sans nuage. Sans doute à cause du vent qui soufflait. On était en hauteur, avec un immeuble de 12 étages sous les pieds, certes, mais… Le vent était froid et pourtant on était en été. Je détestais ces bourrasques. Les courants d’air, ça s’insinue entre les vêtements, dans le cou et sur la peau chaude. Encore, le soleil réchauffait un peu tout ça, mais j’avais tellement peu d’habits portables dans la penderie de ma chambre que je ne portais sur moi qu’un minuscule tee-shirt tout fin et presque sans manches. Je voulais faire demi-tour pour rentrer à mon étage mais par pur défi, je restais encore un peu.

La vue n’avait pas changé depuis la dernière fois. Je ne savais pas ce qui j’attendais ici. La dernière fois, j’avais fait la rencontre détestable de Liam. J’avais envie de rentrer. Si je voulais rester, autant faire quelque chose de constructif. Je m’assis en tailleur sur le sol –qui était étrangement chaud-, et le visage face au mur pour réfléchir à ce que je pourrais bien faire. J’étais dos à la porte. Aussi, me suis-je concentrée sur celle-ci. Et les bruits qu’elle pouvait émettre. Ou que des gens pourraient émettre en la passant.

Cette activité me lassa vite, on n’entendait rien à cause du vent. Ou peut-être n’étais-je pas assez concentrée ? Je me levais et entamai des mouvements de Tai-chi. Lents, souple, rapides, brutaux, bestiaux, doux. Maîtriser les postures, qu’il me disait. Je ne le voyais plus depuis longtemps. J’étais encore loin derrière mon sensei niveau calme et concentration. Je le savais, mais cela ne m’aidais en rien à maîtriser ma colère. Un jour, peut-être que j’y arriverais. Je n’avais pas peur de l’arène, ni des carrières, ces pions contents d’être à genoux. J’avais besoin d’évacuer un peu ce trop-plein de colère pour le moment. Le tai-chi et la médiation étaient très efficaces. Enfin, quand j’arrivais à me concentrer. Là, par exemple, je pensais trop et ça ne me faisait rien. Ok, j’arrête de penser. Mais je médite alors.

Je suis revenue à ma position en tailleur. Je m’imaginais cette fois-ci dans mon jardin secret et imaginaire : un dojo entouré des quatre élément. Au sud, on avait le feu, à l’est, on avait une plage de sable fin balayée par la pluie et où l’eau avait un goût salé-doux. À l’ouest, le dojo s’ouvrait grâce à un panneau en feuille de riz sur une petite forêt verte et luxuriante. Au nord… Il n’y avait rien. Ou de l’air.

Un frisson du vent derrière moi me fit sursauter.

Le frisson me fait sursauter. Je saute sur mes pieds en faisant un demi-tour sur place. C’est un garçon qui était derrière moi. Il eu le même mouvement de recul que moi, mais lui, il était debout. District 7, si mes souvenirs sont bon. Théo Valius, toujours à la même condition. Un beau jeune homme, fort et endurant. Grand aussi. Malgré mon mètre 70, il me dépassait d’une demie tête. Assez remarquable à l’entraînement. Il avait le physique de quelqu’un qui s’était entraîné à tuer. Il avait une lueur de feu dans les yeux qui m’étonnai. Mais il s’était rapproché des carrières plus qu’autre chose. Un grognement de haine sortit de mes lèvres. Il ne l’entendrait pas, vu le vent. Il était là depuis combien de temps ? Depuis combien de temps il m’observait ? Ses lèvres bougèrent et j’entendis un faible : « Hé… salut... ! » caché à moitié par le sifflement des bourrasques. En plus d’être surpris, il avait l’air d’avoir une question à poser sur le bout de la langue…

Mon défi de rester dans le vent le plus longtemps possible ne tenait plus trop. Je ne savais pas quoi répondre à cet intrus. Lui dire bonjour ? Non, trop de haine. Partir ? Non, le fait qu’il ai une question m’intriguait trop, même si c’était juste une impression.

En attendant, je m’assis sur la rambarde en me propulsant avec les bras. Pas très stratégique, il n’aurait qu’à me pousser pour que je tombe dans le vide. Mais bon. On n’était pas à ça près. J’avais tourné le dos à la porte, voilà où ça m’avait menée. Je le fixait toujours, avec mon regard le plus glacial. Mais tout ça, c’était juste pour meubler, le temps que je trouve quoi lui répondre. Ne pas me montrer trop amicale, ne pas être trop froide pour qu’il parte tout de suite. Et en même temps, l’emmener à poser sa question.

J’avais froid. Le vent s’infiltrait dans mon tee-shirt fin. Qui, je le remarquais maintenant, avait un décolleté assez plongeant. Puis j’eu mon idée de répartie.

« Assied-toi. » Le tout accompagné d’un signe du menton. J’avais affiché pour lui mon sourire de carnassière. Je ne pense pas qu’il lui plairait, mais c’est le but, non ? Faire peur… tout en restant sympathique. Enfin, le plus possible. Plus qu’à voir comment il allait réagir. J’avais envie de discuter, j’étais trop longtemps restée assise.